Dès 1914, Roland Dorgelès (1886-1973), alors jeune journaliste, s’engage dans l’infanterie. Cette expérience marque son entrée en littérature. Considéré comme son chef-d’œuvre, Les croix de bois lui valent en 1919 le prix Femina.
Dans un style sans fioritures, le roman retrace le quotidien de Gilbert Demachy, un étudiant plein d’illusions qui a rejoint le 39e régiment d’infanterie. En restituant la réalité des tranchées – les attaques, les bombardements, les échanges entre camarades dont beaucoup finiront le long d’une route sous une simple croix de bois –, ce récit aux accents de farce macabre dépeint la « boucherie » dont naquit le XXe siècle.
Avec Les Croix de bois, Dorgelès révélait l’abominable vérité d’un conflit à peine achevé : celle que taisaient les journaux et que les civils refusaient d’entendre de la bouche des rares rescapés. Par sa valeur de témoignage et par l’engagement pacifiste de son auteur, ce roman reste un des plus célèbres pamphlets contre la guerre, bouleversant hommage aux héros inconnus qui en furent les acteurs.

Pour raconter votre longue misère, j’ai voulu rire aussi, rire de votre rire. Tout seul, dans un rêve taciturne, j’ai remis sac au dos, et, sans compagnon de route, j’ai suivi en songe votre régiment de fantômes. Reconnaîtrez-vous nos villages, nos tranchées, les boyaux que nous avons creusés, les croix que nous avons plantées ? Reconnaîtrez-vous votre joie, mes camarades ?
Et maintenant, arrivé à la dernière étape, il me vient un remords d’avoir osé rire de vos peines, comme si j’avais taillé un pipeau dans le bois de vos croix.

Roland Dorgelès
LECTURE A TROIS VOIX

C’est le petit matin. Le ciel sort des brassées de nuages blancs qu’il met à sécher, comme du linge. Je songe à vos milliers de croix de bois, alignées tout le long des grandes routes poudreuses, où elles semblent guetter la relève des vivants, qui ne viendra jamais faire lever les morts.

À travers ce roman, Roland Dorgelès rend hommage à tous les Poilus qu’il a côtoyés dans les tranchées et qui n’en sont pas revenus. Trois comédiens prêtent leur voix à ces hommes, à leur gouaille qui raconte l’effroi, la peur, les douleurs et les rires, dans un récit poignant où le burlesque côtoie le tragique pour mieux défier la mort.

avec Jean-Charles Bernardini Yannick Le Goff Patrick Mecucci
Musique : Yannick Le Goff
Adaptation, mise en espace : Évelyne Bernardini